HERBICIDES ET ENVIRONNEMENT

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Le soya peut-il se passer d’engrais chimique ?

par Gilles Tremblay, agronome et chercheur, CÉROM, Saint-Bruno-de-Montarville

L'augmentation des superficies de soya au Québec s'est généralement réalisée par une réduction des superficies des céréales à paille. Le soya s'avère toutefois une plante dont les besoins nutritifs sont supérieurs à celui des céréales à paille pour un rendement équivalent. Dans ce bref exposé, nous essaierons de répondre à deux questions. La première : Le soya répond-il à la fertilisation minérale ? La deuxième : Est-il possible de produire du soya sans l’apport d’engrais ?

Besoins nutritifs du soya

Les prélèvements en éléments minéraux réalisés par le soya sont relativement élevés (tableau 1). L'importance des prélèvements du soya varient quelque peu selon les sources. Les informations apparaissant au tableau 1 ne font état que de données publiées ou disponibles au Québec par le Conseil des Productions Végétales du Québec (CPVQ 1996) et par The Potash & Phosphate Institute (1982). soyachamp.jpg (39327 octets)

Les besoins ou les prélèvements en azote varient de 234 à 262 kg N/ha pour un rendement de 3 500 kg/ha de soya comparativement à 161 kg N/ha pour un rendement de 7 000 kg/ha de maïs-grain et de 91 kg N/ha pour un rendement de 3 500 kg/ha de blé (CPVQ 1996). Les prélèvements en azote du soya sont donc élevés. Les besoins en azote sont toutefois comblés dans une large proportion par la fixation symbiotique de l'azote de l'air via les nodules du soya. Le soya est une légumineuse comme la luzerne ou le trèfle. L'utilisation d'inoculum spécifique pour le soya (Bradyrhizobium japonicum) permet d'obtenir une nodulation adéquate des plants de soya et permet ainsi une bonne fixation de l'azote contenue dans l'air.

Les prélèvements en phosphore, exprimés sous la forme de P2O5, varient de 69 à 78 kg/ha selon les sources. Ces prélèvements sont équivalents à ceux du maïs qui sont estimés à 69 kg P2O5 ha pour un rendement de 7 000 kg/ha mais supérieur aux 40 kg P2O5/ha du blé (CPVQ 1996). Les prélèvements en potassium, exprimés sous la forme de K2O, varient de 150 à 160 kg/ha, selon les sources. Les prélèvements en K2O de 3 500 kg/ha de soya sont supérieurs aux prélèvements de 7 000 kg/ha de maïs ou de 3500 kg/ha de blé. Les prélèvements en calcium et en magnésium varient beaucoup selon les sources pour une récolte de 3 500 kg/ha de soya. D’une vingtaine de kg/ha selon le Potash & Phosphate Institute (1982), jusqu'à 46 et 32 kg/ha respectivement pour le calcium et le magnésium estimés par le CPVQ (1996). Les prélèvements en calcium et en magnésium du soya sont surtout concentrés dans les fanes ou les résidus de culture.

Bien que les prélèvements du soya en N-P2O5-K2O soient estimés à 234-69-161 kg/ha (CPVQ 1996) pour un rendement de 3 500 kg/ha, les exportations nettes sont de 192-48-51 kg/ha de N-P2O5-K2O. Les résidus de culture représentent 42-21-110 kg/ha de N-P2O5-K2O. Si les résidus de culture demeurent au champ, les exportations nettes de la culture en P2O5 et K2O sont semblables, soit une cinquantaine de kg/ha.

Azote et rendement du soya

Chen et Mackenzie (1990) ont effectué une recherche qui démontrait que lorsque le sol avait une teneur supérieure à 17 kg N/ha dans les 20 premiers cm du sol, une fertilisation azotée additionnelle ne donnait pas d'augmentation de rendements en grains.

Une étude de trois ans sur l'effet de divers niveaux d'azote, de phosphore et de potassium sur le rendement du soya a été réalisée par Tremblay et Beausoleil (1996). Le cultivar Maple Glen a été ensemencé sur des sols correspondant aux séries Ste-Rosalie, St-Urbain et Dujour. Selon les analyses de sol, les contenus en phosphore et en potassium disponibles des sols utilisés variaient généralement de riches à excessivement riches. Les grains de soya étaient soigneusement inoculés et la densité visée était de 450 000 plants à l'hectare. Ces 3 séries de sol représentent plus de 200 000 ha dans les régions agricoles de St-Hyacinthe et du Sud-Ouest de Montréal. L'analyse détaillée des résultats obtenus lors de cette étude indique qu'il y a peu d'interactions entre l'azote, le phosphore et le potassium sur le rendement du soya. L'analyse des résultats peut donc se limiter à l'effet simple d'un élément majeur sans tenir compte des divers niveaux des deux autres éléments. Les résultats présentés au tableau 2 combinent les résultats des 3 séries de sol au cours des années 1994, 1995 et 1996.

Selon les résultats présentés au tableau 2, le rendement moyen obtenu en 1994 avec 30 kg N/ha est supérieur au niveau 0 kg N/ha mais ne compense pas les coûts additionnels de l'engrais azoté. Les rendements observés en 1995 indiquent que le rendement moyen du soya au niveau 0 kg N/ha est supérieur à celui du niveau 30 kg N/ha. En 1996, l'apport de 30 kg N/ha permet d'obtenir un rendement supérieur à celui de 0 kg N/ha. L'augmentation de rendement obtenue en 1996 avec 30 kg N/ha compense toutefois à peine les coûts additionnels de l'engrais azoté. En conclusion, cette étude démontre que le rendement du soya est significativement supérieur 2 années sur 3 avec l'apport de 30 kg comparativement à 0 kg N/ha. L'augmentation de rendement obtenue à 30 kg N/ha ne compense pas ou à peine, les coûts additionnels de l'engrais azoté.

En 1997, Tremblay et coll. (1998a) ont réalisé des essais portant sur la fertilisation minérale en éléments majeurs NPK chez 8 producteurs du Québec. Ces 8 essais totalisaient plus de 200 parcelles. Selon les résultats observés en 1997, Tremblay et coll. (1998a) n’ont remarqué aucun effet significatif de l’utilisation de l’engrais azoté sur le rendement du soya, sur le contenu en protéines ou en huile ou sur le poids spécifique des grains. Des résultats préliminaires d’autres essais réalisés en 1998 (Tremblay et coll. 1998b) chez 7 producteurs semblent confirmer les résultats observés en 1997, soit que la fertilisation minérale azotée au semis n’a pas permis d’augmenter les rendements en soya.

 

Phosphore et rendement du soya

Tremblay et Beausoleil (1996), cités précédemment, ont analysé la réponse du soya sur des sols classés de riche à excessivement riche en phosphore. Selon les résultats de cette étude présentés au tableau 2, le rendement moyen obtenu avec 0 kg P2O5/ha est équivalent ou supérieur à celui des niveaux 30, 60 et 90 kg P2O5/ha au cours des 3 années de l'étude. Selon Tremblay et Beausoleil (1996), il y a donc peu ou pas d'augmentation de rendement du soya en augmentant le niveau de fertilisation minérale en phosphore sur des sols classés de riche à excessivement riche en phosphore. Cette étude réalisée au Québec confirme les conclusions de l'étude de Mallarino et coll. (1991a) réalisée en Iowa. Mallarino et coll. (1991a) ont en effet démontré que les producteurs de soya pourraient augmenter la rentabilité économique de leur entreprise en ne fertilisant pas en phosphore leurs sois classés riches ou excessivement riches en phosphore.

Selon des résultats observés en 1997, Tremblay et coll. (1998a) n’ont remarqué aucun effet significatif de l’utilisation de l’engrais phosphaté sur le rendement du soya, et ce même sur des sols classés de moyen à pauvre. Des résultats préliminaires d’autres essais réalisés en 1998 (Tremblay et coll. 1998b) chez 7 producteurs semblent confirmer les résultats observés en 1997, soit que la fertilisation minérale phosphatée au semis n’a pas permis d’augmenter les rendements en soya, et ce sur tous les types de sol à l’étude (pauvre, moyen et riche).

Potassium et rendement du soya

L'étude de Tremblay et Beausoleil (1996) citée précédemment, a analysé la réponse du soya sur des sols classés de bon à excessivement riche en potassium. Selon les résultats de cette étude présentés au tableau 2, le rendement moyen obtenu avec 0 kg K2O/ha est équivalent ou supérieur à celui des niveaux 30, 60 et 90 kg K2O /ha au cours des 3 années de l'étude. Il y a donc peu ou pas d'augmentation de rendement du soya en augmentant le niveau de fertilisation minérale en potassium sur des sols classés de riche à excessivement riche en potassium. Cette étude réalisée au Québec confirme les conclusions des études de Mallarino et coll. (1991a; 1991b) réalisées en Iowa. Mallarino et coll. (1991a; 1991b) ont démontré que les producteurs de soya pourraient augmenter la rentabilité économique de leur entreprise en ne fertilisant pas en potassium leurs sols classés riches ou excessivement riches en potassium.

Selon des résultats observés en 1997, Tremblay et coll. (1998a) n’ont remarqué aucun effet significatif de l’utilisation de l’engrais potassique sur le rendement du soya, et ce même sur des sols classés moyen. Des résultats préliminaires d’autres essais réalisés en 1998 (Tremblay et coll. 1998b) chez 7 producteurs semblent confirmer les résultats observés en 1997, soit que la fertilisation minérale potassique au semis n’a pas permis d’augmenter les rendements en soya, et ce sur tous les types de sol à l’étude (moyen et riche).

 

Conclusions

Nous avions soulevé 2 questions au début de cet exposé. La première question : Le soya répond-il à la fertilisation minérale ? Selon des résultats récents obtenus au Québec de 1994 à 1998 sur près de 1200 parcelles, dont 400 réalisées chez des producteurs, le soya ne semble généralement pas répondre à la fertilisation minérale en éléments majeurs NPK. La deuxième question : Est-il possible de produire du soya sans l’apport d’engrais ? Cette 2e question est en relation directe avec la 1e. Malgré le fait que les besoins nutritifs du soya soient plus élevés en éléments NPK que le maïs ou les céréales, il semble tout de même possible d’obtenir d’aussi bons rendements de soya sans l’apport d’engrais qu’avec l’utilisation d’engrais.

Bibliographie

AFEQ. 1994. Guide de fertilisation. Association des Fabricants d'Engrais du Québec. 4e édition.

CHEN, Z. et A.F. MACKENZIE. 1990. Soybeans production: fertilization population density and cultivar effects. Department of Renewable Resources, Macdonald College of McGill University. (non publié).

CPVQ. 1996. Grilles de référence en fertilisation. Conseil des Productions Végétales du Québec. 2e édition.

MALLARINO, A.P., J.R. WEBB et A.M. BLACKMER. 1991a. Corn and soybean yields during 11 years of phosphorus and potassium fertilization on a high-testing soil. J. Prod. Agric. 4(3): 312-317.

MALLARINO, A.P., J.R. WEBB et A.M. BLACKMER. 1991b. Soil test values and grain yields during 14 years of potassium fertilization of corn and soybean. J. Prod. Agric. 4(4): 560-566.

THE POTASH & THE PHOSPHATE INSTITUTE. 1982. The Fertilizer Handbook.

TREMBLAY, G., L. GAGNON, P. FILLION, J.P. JACOB et J.P. SÉNÉCAL. 1998a. Résultats d’essais de fertilisation minérale NPK du soya réalisés en 1997. (non publié).

TREMBLAY, G., L. GAGNON, P. FILLION, J.P. JACOB et M. GAUDREAULT. 1998b. Résultats d’essais de fertilisation minérale NPK du soya réalisés en 1998. (non publié).

TREMBLAY, G. et J.M. BEAUSOLEIL. 1996. Effets de 2 niveaux d'azote, 4 niveaux de phosphore et 4 niveaux de potassium sur le rendement du soya sur 3 sols classés de riche à excessivement riches en P et/ou K de la région de Saint-Hyacinthe. (non publié).

 

 

Tableau 1. Prélèvements en grains et résidus (kg/ha) pour l’obtention d’un rendement de 3 500 kg/ha de soya, de 7 000 kg/ha de maïs-grain et de 3 500 kg/ha de blé

 

N

P2O5

K2O

Ca

Mg

Soya          
Potash & Phosphate Institute (1982)

262

78

154

19

21

CPVQ (1996)

234

69

161

46

32

CPVQ (1996) Grains

192

48

51

4

7

CPVQ (1996) Fanes

42

21

110

42

25

           
Maïs CPVQ (1996)

161

69

136

18

20

Blé CPVQ (1996)

91

40

66

10

5

           

 

 

Tableau 2. Effet de la fertilisation minérale en éléments majeurs sur le rendement moyen mesuré sur les séries de sol Dujour, Ste-Rosalie et St-Urbain en 1994, 1995 et 1996.

     

Rendement

(kg ha-1)  
Élément Dose

1994

1995

1996

Moyenne

1994-1995-1996

  (kg ha-1)        
           
Azote (N) 0

3596

3721

3658

3658

  30

3656

3691

3740

3696

           
Phosphore (P) 0

3646

3736

3696

3693

  30

3602

3733

3733

3689

  60

3624

3700

3714

3679

  90

3640

3656

3654

3650

           
Potassium (K) 0

3629

3723

3742

3698

  30

3664

3706

3690

3687

  60

3602

3705

3707

3671

  90

3618

3690

3660

3656

           
  Moyenne

3626

3706

3700

3677

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