HERBICIDES ET ENVIRONNEMENT

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Comment produire du maïs sans engrais chimique?

par Roger Rivest, agronome

Le maïs est une plante très exigeante en éléments nutritifs. Cependant, c’est une plante qui est assez efficace pour utiliser les diverses sources d’éléments fertilisants. C’est la plante la plus performante pour transformer l’énergie solaire en produit utile, si l’on maintient un minimum d’éléments pour assurer son bon fonctionnement.

Dans la production sans intrant, pour nourrir la plante, on dispose de deux sources: les réserves du sol et les apports sous formes organiques.

Condition du sol

Un élément primordial pour l’utilisation maximale de ces sources est la condition du sol pour les deux raisons suivantes :

Le sol doit être suffisamment aéré pour maximiser le travail des micro-organismes du sol qui vont libérer les éléments nutritifs.

Le sol doit être suffisamment lâche et permettre un développement maximum des racines pour utiliser les éléments libérés dans tout le volume de sol. Si on évalue la fertilité sur l’ensemble de la surface et sur une profondeur de 20 centimètres (8 pouces) et que les racines du maïs les plus actives explorent seulement une bande de 9 pouces chaque côté du rang et une profondeur de 4 pouces, le maïs a accès à 30% seulement des éléments disponibles.

On peut inclure la température du sol au printemps aussi comme facteur agissant sur les deux points, soit la croissance des racines et la libération des éléments au printemps. Le début de la croissance est autour de 10o C mais la croissance est plus normale autour de 15o C.

Disponibilité des éléments

Le potassium :

Le potassium sous nos conditions est rarement limitant pour la culture du maïs. Les seuls cas de carence que l’on rencontre, le sont sur des sols très compacts ou dans des champs où les racines ont été brûlées par un herbicide ou mangées par des insectes (chrysomèle des racines).

Le phosphore :

Le phosphore (Mehlich) est un bon indicateur de la capacité du sol à fournir du phosphore au maïs. Plus l’analyse de phosphore (Mehlich) augmente, plus le phosphore soluble à l’eau augmente. Des sols qui ont des teneurs en phosphore soluble autour de 5 à 6 ppm, peuvent produire du maïs sans phosphore dans le démarreur sans problème. On peut également utiliser la saturation en phosphore comme indicateur de la disponibilité entre 15 et 20% dépendant des types de sol. Si on analyse le comportement des sols du point de vue disponibilité du phosphore, vous remarquerez en consultant le tableau suivant que la teneur en phosphore Mehlich pour obtenir 5 à 6 ppm varie d’un sol à l’autre.

 

 

Groupes de solubilité

Séries de sol

P Mehlich3kg/ha

pour

5ppm de P soluble

Taux de

saturation

Groupe 1

Courval Saint-Aimé (AI3)

Saint-Hyacinthe (HY3) Saint-Urbain (Ub3)

154

15%

Groupe 2

Corbin Saint-Urbain (Ub5)

Du Jour Sainte-Rosalie

Saint-Hyacinthe (HY4) Yamaska

174

14%

Groupe 3

Kierkoski Saint-Marcel

157

15%

Groupe 4

Joseph Massueville

Michaudville Saint-Aimé (AI2)

St-Damase

 

207

22%

Groupe 5

Des Saults Saint-Sébastien

Ste-Rose

231

23%

Groupe 6

Providence

245

23%

Groupe 7

Fleury Rubicon

Mawcook Saint-François

Raimbault Saint-Jude

Shefford Milton

Complexe Milton-Shefford

388

26%

L'azote, la clé du succès :

Dans les sols riches en phosphore et en potassium , c’est l’azote qui fait l’effet démarreur.

Dans les sols riches en phosphore et en potassium, l’effet démarreur est principalement dû à l’azote. Dans des suivis, j’ai observé que l’effet démarreur dû à l’azote disparaissait lorsque le sol au printemps était entre 7 et 10 ppm de nitrate. Cela indique que le sol se réchauffe et que les racines vont pouvoir trouver de l’azote en se développant. L’azote placé au planteur est très efficace. Souvent dans les études, on se demande si la différence entre les rendements est due à l’effet démarreur ou à la quantité totale d’azote.

Où trouver de l’azote ?

L’azote est la plupart du temps le principal facteur limitant dans la production de maïs-grain. Un hectare de maïs doit trouver entre 220 et 284 kg/ha d’azote, quelque soit sa provenance pour exprimer son plein potentiel. C’est ce que l’on trouve dans une récolte de maïs-ensilage. Le grain prélève seulement entre 100 et 150 kg de N/ha dépendant des rendements. Sans l’utilisation des engrais chimiques on dispose de trois sources : l'azote du sol, celui du précédent cultural et celui du fumier.

L’azote du sol :

Dans le sol, on dispose d’une réserve d’azote organique qui représente entre 3 000 et 12 000 kg/ha d’azote. Cette teneur en azote est fonction de la teneur en matière organique. On peut figurer que la matière organique contient environ 5% d’azote. Ensuite, on peut calculer un taux de minéralisation de 3% dans les sols sableux, de 2% dans les loams et les argiles bien structurées et 1% dans les argiles compactes. Si on utilise ces coefficients de minéralisation et les taux d’azote pour chacun des sols, on peut obtenir des quantités d’azote variant entre 20 et 170 kg/ha. Des études montrent que 50% de l’azote qui se retrouve dans les plants de maïs proviennent du sol. Toutefois, cette quantité d’azote est difficile à prévoir. Certains sols ont peu d’azote mais minéralisent bien (loam sableux) alors que d’autres sont bien garnis mais minéralisent peu (argile). Souvent lorsqu’il faut ajouter davantage d’azote, c’est parce que le sol en fournit moins.

 

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L'azote du précédent cultural

Le précédent cultural a un certain rôle dans le besoin en azote. Le sol qui est constamment sollicité pour fournir de l’azote, finit par épuiser ses formes facilement disponibles et nécessite davantage des apports d’azote facilement assimilable. Lorsqu’on a fait des essais sur la fertilisation en azote dans les années 1993 à 1995, on gardait des témoins pour mesurer la réponse à l’azote, cela nous a permis de voir le potentiel de certains précédents. Le pourcentage de suffisance est la proportion du rendement possible sans l’utilisation de l’azote de l’engrais.

Précédent

Suffisance en azote

variation

Suffisance en azote

médiane

Qté de N pour le rendement maximum

kg/ha

Mais

27 à 72%

54%

172

Soya

34 à 81%

72%

145

Haricot

59 à 78%

72%

130

Pois + engrais vert

51 à 92%

77%

130

Prairie + fumier

74 à 92%

81%

100

Dans certains de ces sols, l’augmentation de rendement ne justifie pas l’ajout d’azote supplémentaire. Sur ces sols, les rendements obtenus avec les témoins nous permettent de calculer qu’ils ont fourni plus de 200 kg/ha d’azote.

L'azote des fumiers :

Dans l’utilisation du fumier, il faut surveiller le ratio NH3/N total. Plus ce ratio est haut, plus le fumier travaille rapidement. S’il est mis trop tôt à l’automne, les pertes sont grandes par lessivage, car il peut facilement être converti en nitrate. Les fumiers avec plus de forme ammoniacale doivent être enfouis pour réduire les pertes par volatilisation. Le C/N est aussi un indicateur du % de disponibilité. Les fumiers avec des C/N élevés doivent de préférence être mis l’automne, sinon l’azote arrive trop peu et trop tard.

Type de fumier

M.S

%

N

kg/t

N-NH3

kg/t

N-NH3

N-Total

C/N

P2O5

kg/t

K2O

kg/t

lisier de porc

3,4

3,9

28

72%

4

2,7

2,3

fumier de poulet(6 mois)

67

26,8

6,7

25%

12

25

163

fumier de vache

21

6,1

2,2

36%

17

3,4

5,5

purin de vache (surnageant)

2

1,8

1,3

72%

3

0,5

3,7

lisier de vache

7,4

3,1

1,6

51%

12

1,4

3,8

fumier de veau de grain

26

7,5

2,2

30%

17

4,4

4,8

Stratégie de fertilisation :

Il faut avoir deux objectifs : faire produire à notre sol un minimum de nitrate au début de la saison et en avoir suffisamment jusqu’à la fin d’août.

Pour avoir des nitrates tôt au printemps pour le maïs, il faut :

  • Enfouir un engrais vert de façon superficielle à l’automne.

  • Enfouir du fumier de poulet avec un chisel à l’automne.

  • Épandre du lisier de porc avant le semis.

  • Épandre du lisier de vache avant le semis dans une terre sableuse.

  • Épandre du purin de vache juste après le semis lorsque le sol est sec.

Pour avoir suffisamment d’azote pour la saison, il faut la calculer avec des normes reconnues et éprouvées.

Lisier de porc :

Culture précédente

Soya ou Céréale + engrais vert

Travail du sol proposé

Chisel

Besoin d’azote

entre 130 et 160 kg de N/ha

Stratégie 1 :

Temps

dose/acre

m3/ha

N

P2O5

K2O

Automne

3 000 gal

35

62

48

73

pré-semis ou

post-émergence

3 500 gal

40

109

88

91

Total

   

170

136

164

Stratégie 2 :

Temps

dose/acre

m3/ha

N

P2O5

K2O

pré-semis ou

post-émergence

hâtive

5 700 gal

65

161

143

148

Total

   

161

143

148

 

 

Fumier de poulet

cas 1

Culture précédente

Soya ou Céréale + engrais vert (argile)

Travail du sol proposé

Chisel

Besoin d’azote

entre 130 et 160 kg de N/ha

Temps

tonnes/ha

N

P2O5

K2O

Automne

10

68

102

148

post-émergence

sarclé dans la journée même

10

89

164

163

Total

 

157

266

311

cas 2

Culture précédente

Soya (sable)

Travail du sol proposé

rien ou chisel léger

Besoin d’azote

entre 130 et 160 kg de N/ha

Temps

tonnes/ha

N

P2O5

K2O

pré-semis

18

163

278

277

Total

 

163

278

277

Fumier de vache

cas 1

Culture précédente

prairie

Travail du sol proposé

Off-set

Entreposage

Solide + surnageant

Besoin d’azote

entre 100 et 150 kg de N/ha

Temps

dose/acre

dose/ha

N

P2O5

K2O

Automne

 

40 tonnes

77

56

200

pré-levée (surnageant)

3 000 gal

35 m3/ha

35

1

130

Total

   

112

57

330

cas 2

Culture précédente

prairie (Terre légère)

Travail du sol proposé

labour

Entreposage

liquide

Besoin d’azote

entre 100 et 150 kg de N/ha

Temps

dose/acre

dose/ha

N

P2O5

K2O

pré-semis

5 500 gal

35 m3/ha

112

68

238

Total

   

112

68

238

cas 3

Culture précédente

prairie

Travail du sol proposé

Off-set

Entreposage

semi-liquide

Besoin d’azote

entre 100 et 150 kg de N/ha

Temps

dose/acre

dose/ha

N

P2O5

K2O

automne

4 000 gal

45 m3/ha

54

31

157

post-émergence

3 500 gal

40 m3/ha

62

44

154

Total

   

116

75

311

Conclusion

Pour réussir, il faut un sol en ordre pour permettre aux racines d’aller chercher le maximum des éléments du sol. On peut les aider en buttant le maïs lors des sarclages afin que les racines bénéficient d’un sol aéré et qui absorbe bien l’eau lorsqu’il pleut. De plus, en bittant, on concentre les éléments apportés par le fumier près des plants.

En calculant l’azote, suivant des méthodes qui ont fait leurs preuves, on minimise les risques de manquer d’azote en fin de saison.

Il faut se rappeler que combler les besoins en azote dans le maïs avec du fumier entraîne des excès de phosphore et de potassium. Mais en produisant en rotation sans engrais, on peut faire des bilans de phosphore sur deux ou trois ans qui balancent bien et qui minimisent les risques pour l’environnement.

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